Accordons-nous sur un postulat : les termes d’Innovation et de Disruption sont, aujourd’hui, tous deux largement galvaudés.
De la même manière que dans les années 80 à 90, beaucoup considéraient comme innovant le seul fait d’avoir son site internet, la transformation numérique est présentée comme un sésame de l’innovation.
Disons-le clairement : il n’en est rien !
La transformation numérique est le passage obligé des suiveurs, tout comme le site internet l’était à son époque.
Certes, à l’échelle de la culture d’entreprise, vous me direz que cela peut avoir des airs de révolution.
Mais à l’échelle du monde globalisé, où chaque jour porte son lot de réinvention, il faut avoir conscience que ce n’est pas le cas.
Comme le disait Einstein, tout est question de référentiel !
La façon d’entrevoir l’innovation a beaucoup changé. Il y a quelques décennies encore, elle était réservée aux seuls ingénieurs-chercheurs.
Aujourd’hui, elle est à portée de tous !
Une bonne idée, et trois camarades, à peine diplômés, peuvent associer leurs compétences pour monter leur plateforme numérique, lever des fonds, conquérir le monde !
L’innovation qui était essentiellement technique, est désormais avant tout une innovation de service :
– Propre à répondre aux attentes immédiates des Terriens,
– Portée par la maturité des outils internet et leur accessibilité.
La manière même de mener le processus d’innovation s’est totalement réinventée pour les mêmes raisons.
On peut parler :
– d’industrialisation de la méthode,
– de structuration mature des acteurs clés à son succès (privés : cabinets de conseil, banques, business angels, fonds d’investissement… / publics : Bpifrance, régions…),
– de démocratisation des leviers clés à sa réussite (culture des partenariats, économie participative, économie sociale et solidaire….),
– d’instantanéité (ou presque) des résultats et donc de l’adhésion (traction).
Innover obéit à trois règles initiales claires :
– répondre à un besoin précis d’un marché significatif (friction) ;
– qui n’a aucune solution satisfaisante en l’état ;
– et ce, de manière simple, cohérente et efficiente pour l’utilisateur.
Que l’innovation soit anticipative ou remplace une solution usuelle insatisfaisante, nous sommes bien dans une projection disruptive : changer la donne sur un marché.
Ne prenons qu’un seul exemple : UBER.
Les chauffeurs privés existaient, la réservation de chauffeur existait, la géolocalisation existait.
UBER a eu la clairvoyance de les réunir dans une application la plus simple du monde, que tout le monde aura à portée de main, en situation de mobilité, tout en démocratisant le prix par l’industrialisation du service.
Nous sommes clairement dans le remplacement d’une solution non-satisfaisante, à travers une combinaison innovante de choses existantes.
Pourtant, qui remettrait en cause le caractère innovant, ou celui disruptif d’UBER, qui est certainement à l’origine du premier usage de ce terme ?
Marre d’entendre à tout va le terme de disruption !
Voici une des phrases les plus entendues dans les COMEX !
Pourquoi ? Parce que les critères de l’innovation sont bien devenus ceux de la disruption.
Faire la différence, c’est répondre au problème avant les autres, en reléguant au rang de dinosaure ses concurrents.
Je tentais de répondre dans un précédent article à la question de savoir : pourquoi les licornes ne naissent que des startups ?
Même si depuis, les investissements dans des labs d’innovation des Grands Groupes vont dans le bon sens, il n’en reste pas moins que la lourdeur des organisations, des cycles de décision, du poids de la politique interne qui paralyse de nombreuses audaces pourtant indispensables, …, explique toujours leur difficulté à disrupter leur secteur.
Que dire du partenariat de distribution de Monoprix (Groupe Casino) avec Amazon ?
Annoncé en grande pompe comme historique, peut-on plus parler d’une innovation dans le domaine de la distribution ou d’une reddition en règle d’une superbe société traditionnelle à sa non moins superbe Licorne concurrente ?
Pourtant, personne ne pourra dire que Monoprix n’a pas su diversifier et développer brillamment ses formats de magasin. Personne ne remettra non plus en cause la qualité de ses nombreux collaborateurs.
Mais alors pourquoi diable ne pas avoir répliqué ses capacités d’innovation dans le commerce physique, dans le commerce digital ? Pourquoi diable servir au géant américain, un pan stratégique qui lui manquait pour accélérer son emprise sur le marché, et condamner encore un peu plus le commerce de proximité ?
Au-delà de tout, disrupter c’est :
– une vision anticipative qui doit être entendue par les dirigeants ;
– un risque à prendre sur son modèle, qui est certes plus simple à prendre quand on est une startup, mais que l’on sait aujourd’hui très bien manager dans un contexte Grand-Groupe ;
– prendre conscience que cela n’est plus un choix mais une obligation pour prendre l’ascendant sur la concurrence.
Une chose est sûre, si les termes innovation technique ou innovation de procédé, gardent à l’évidence, encore tout leur sens séparé de celui de la disruption, il n’est définitivement plus possible de concevoir une innovation de service autrement que dans la disruption… ou comme une fausse route.
» Stéphane BAURBERG, CEO @ La Boîte à Concepts , Structure de Conseil qui accompagne les Grands Acteurs, et ceux en devenir, dans l’Innovation, laStructuration et le Financement de leur Plan Stratégique. »